Répétez après moi « Je vais bien, tout va bien » Ca ne marche pas ? Voici pourquoi.
Parfois tout va mal
Le week-end dernier, les deux vitres de ma voiture ont été brisées, il y avait du verre partout et des objets disparus. Passé le choc initial, j’ai difficilement déblayé le verre pour pouvoir prendre le volant et rentrer dans le froid, sans vitres avant à 1h du matin. J’ai dû consacrer la journée de dimanche aux suites de l’incident. Faire la déclaration au poste de police après en avoir visité un autre à deux reprises pour être orientée ailleurs, nettoyer l’intérieur de la voiture, etc. Je n’ai pas pu écrire mon article hebdomadaire à temps pour qu’il soit en ligne lundi matin. Bref le week-end a été chamboulé et j’aurais pu me sentir dépitée. Ce qui est étonnant c’est que j’ai terminé la journée de très bonne humeur. Grâce à quoi ?
Je ne me suis pourtant pas forcée à voir le côté positif des choses. Est-ce que ce serait grâce à la pratique quotidienne de l’acceptation des émotions et de la gratitude que, en terminant cette journée pleine de désagréments, je me suis sentie chanceuse? En réalité les événements désagréables ont donné lieu à des moments partagés où j’ai reçu de l’aide et beaucoup ris.
Aujourd’hui j’écris cet article avec l’envie de transmettre ce qu’ils m’ont apporté de positif et d’utiliser cet incident pour clarifier certaines notions.
Retour de flamme
Certains trouvent mièvre l’idée de positiver en toute circonstance et je les comprends. Je ne suis pas partisane de la « pensée positive ». Une recherche en psychologie sociale a montré que le fait de répéter des affirmations positives ne profitait qu’aux personnes ayant une estime de soi haute. Les participants à l’expérience qui avaient une estime de soi basse à la base se sentaient encore moins bien après avoir répété les affirmations sensées les aider. C’est comme si ces affirmations provoquaient un retour de flamme. Il semble logique que si je répète « je vais bien tout va bien » alors que je n’y crois pas. Je risque d’ajouter à mes doutes existants des questionnements du type « ça ne marche pas chez moi, je suis un cas désespéré ».
Combien de mes patients ne me demandent-ils pas, lors du premier entretien : « Suis-je normal ? », « Vous trouvez normal que j’ai si peu de chance ? », « Vous croyez vraiment que je peux changer ? », « Vous croyez que ça va aller ? ». Souvent ils ont déjà essayé plusieurs choses pour avancer, ils ont déjà compris beaucoup mais ne savent pas comment faire alors ils attendant que quelque chose se passe. Parfois ils ont déjà essayé plusieurs types de thérapie avant de faire appel à moi.
Il y a déjà de la confiance en vous
Hier j’ai reçu un patient à ma consultation de Barcelone pour son 3ème rendez-vous et j’ai été épatée par les résultats de la séance d’hypnose que nous avons faite. Il voulait (re)trouver force et confiance et je l’ai invité, sous hypnose, à « se connecter » avec différentes parties de lui-même grâce auxquelles il a déjà confiance en lui, même s’il ne s’en rend pas assez compte.
J’aime parler « des » confiances en soi et non de « la » confiance en soi. En effet nous accomplissons chaque jour un tas de choses. Chaque petit exploit du quotidien donne une opportunité de se renforcer et compter sur soi.
Mon modèle sur la confiance en soi invite d’une part à voir « aussi » le meilleur en soi (et pas seulement le pire), ensuite il invite à voir le meilleur de ce que la vie nous apporte, même quand tout va mal.
Des vélos et des camions
La formation que j’ai suivie en ligne avec Barbara Fredrickson, auteure et chercheuse en psychologie positive, invite à noter les émotions positives au quotidien, en commençant par en choisir une parmi dix. Les émotions positives, telles des vélos silencieux, sont très nombreuses au cours d’une journée, ceci même chez les personnes dépressives. Le souci c’est que nous ne les remarquons pas parce que, contrairement aux émotions désagréables dites négatives, l’effet physiologique des émotions positives (sensation de chaleur dans la poitrine, cohérence cardiaque, relaxation, sourire,…) sont plus subtiles que ceux des états déplaisants (accélération cardiaque, tensions,…).
A travers cette métaphore des vélos et des camions, j’essaye de transmettre l’idée que, même si des camions bruyants passent de temps en temps, les vélos silencieux sont beaucoup plus nombreux. Dès lors, il ne s’agit pas de faire comme si les camions n’étaient pas là (en effet inutile d’ignorer les émotions désagréables, sinon gare au retour de flamme) mais plutôt de les accepter en sachant qu’ils ne font que passer. Le fait de pester sur leur passage ne les fera pas passer plus vite ou moins souvent.
Barbara Fredrickson compare la vie à un tissu dont la trame est faite de nombreux fils d’or et de quelques fils noirs. Il ne sert à rien de se forcer à voir les fils d’or dans les moments difficiles. Paradoxalement accepter les moments difficiles permet d’être plus disponible pour apprécier les moments les plus beaux. Par ailleurs s’entraîner à apprécier les beaux moments lorsqu’ils sont là permet d’aiguiser l’attention et les voir partout, de plus en plus souvent, surtout lorsqu’ils surviennent en marge des difficultés et les rendent alors naturellement plus légères.
L’une de mes amies a perdu toutes ses affaires dans un incendie cette semaine. La mobilisation solidaire qui se met en place autour d’elle force l’admiration. Les amis d’amis d’amis demandent la liste de ce qu’elle a perdu et récoltent des affaires, souvent neuves. Il ne s’agit pas de nier sa perte ou de s’empêcher de se lamenter un temps. Il s’agit ici d’accepter ce qu’il se passe et de remarquer les fils d’or qui accompagne l’événement.
Les évènements de la dernière semaine m’inspirent. J’apprécie l’aide d’un ami dont la présence a facilité des démarches qui auraient été autrement plus lourdes si je les avais faites seule. Je suis aussi en admiration devant la spontanéité avec laquelle un réseau de personnes se mobilise pour subvenir aux besoins de quelqu’un qui a tout perdu.
Qu’il s’agisse de petits tracas ou de grands drames, on peut se lamenter, un temps. Puis ça passe et on peut rester soit avec un goût amer soit avec une grande admiration pour l’humanité. Les fils d’or sont souvent dans la gentillesse et la générosité autour de soi.
Et pour vous ? Quels ont été les fils d’or pendant la semaine qui vient de passer ?
Remarque sur la différence entre pensée positive et psychologie positive : la pensée positive est un courant qui encourage à pratiquer des affirmations positives, même quand tout va mal. Je soutien ici que cette démarche peut faire pire que mieux. Par contre la pensée positive est un domaine de recherche en psychologie, qui s’intéresse au bien-être et au bonheur. Notamment en démontrant que l’identification des émotions, tant négatives que positives, permet de mieux accepter les unes et de mieux apprécies les autres. Il ne sert à rien de voir le côté positif des choses si l’on n’a pas pris soin d’identifier et accepter tout d’abord ce qui résiste ou ce qui va mal.
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Bibliographie:
Barbara Fredrickson. Love 2.0 : ces micro-moments d’amour qui vont transformer, Editions Marabout, 2014
Wood et al. Positive Self-Statements: Power for Some, Peril for Others. Psychological Science, 2009; Association for Psychological Science (2009, July 3). (1)